Les journées s’enchaînaient tout en se ressemblant atrocement.

Alors Vega, tu essayais. Tu essayais toujours un peu de comprendre cette vie et d’apprendre à aimer ce corps même si tu n’arrivais toujours pas à t’y faire. Ca, ce n’était pas toi. Ca n’était qu’une malédiction, une apparence que tu détestais et que tu étais obligé d’observer dans ton miroir tous les matins, lorsque tu te saisissais de cet éternel ruban de tissu blanc pour remonter ta longue chevelure en une queue de cheval acceptable. Le seul attrait féminin que tu étais heureux de garder; à vrai dire. Parce que tu sentais ta nature de femme s’envoler; ton essence même partir en fumée. Ce que tu étais avant, avant d’arriver dans cette ville; était en train de s’effacer au profit d’une identité qui ne te ressemblais pas. Parce qu’il y avait ce vide en toi, cette chose indécise et atroce qui se rapprochait d’un vide total; cette chose qui te poussais à aller au travail toute la journée avec des enfants. Douce tragédie que la tienne, Vega; cette façon que tu avais eu de te tourner vers la garderie la plus proche, comme pour tenter de te raccrocher à ces enfants que le destin lui-même t’avais arraché. Ils étaient en toi, ils tenaient ta main; tu avais été Mère bien avant que certaines de tes soeurs ne le soient et voilà. Disparue, éteinte; une étoile qui ne brillait plus pour personne et dont les couleurs s’étaient envolées en même temps que ta résurrection. Ici, tes enfants n’avaient pas la moindre chance de revenir à la vie.

Et ça avait laissé un trou béant en toi, un vide que rien ni personne ne pouvait combler. Alors, arrivant dans cette étrange ville dont tu n’arrivais pas encore à en comprendre tous les aspects, tu t’étais tourné vers une association d’anciennes femmes. Des hommes d’apparence, comme toi, qui échangeaient sur les vêtements, la sexualité, l’acceptation et les grossesses. Á chaque fois que ce dernier sujet était mis sur la table, tu pretextais un problème urgent à la garderie et quittais les lieux sans même te faire prier, sans laisser à personne le temps de te rattraper. Parce que ce sujet, ce terrible sujet, c’était une chose dont tu ne souhaitais pas parler. Certes, ton expérience de mère aurait pu être bénéfiques aux autres personnes de cette association mais tu ne souhaitais pas du tout en parler. Parce que c’était encore trop dur, trop frais. Même trois ans après ta venue à la vie sur Insomnia. Tu savais qu’il n’y avait qu’une seule personne qui pouvait réellement partager ta peine et tout au fond de toi, tu gardais l’espoir indicible de le croiser. De retrouver ton Altaïr, ton étoile. La seule personne que tu aies jamais aimé de toutes tes forces; ton époux. Le père de tes enfants. Lui seul pouvait comprendre la tristesse qui t’enveloppais le coeur quand; le soir, tu te retrouvais seul dans ton lit à compter les étoiles dont tu ne faisais plus parti, à te demander si ton père, l’Empereur du ciel, pensait encore à toi.

Il t’avais sûrement oublié, Vega. Avec un soupir, ce jour-là, tu te rendis donc à une réunion prévue à l’association. En dépit de ce sujet que tu ne voulais pas du tout aborder; tu devais admettre que c’était plutôt agréable d’être ici. La nourriture était bonne, l’ambiance chaleureuse et vous pouviez toutes parler de tout et de n’importe quoi. Comme des amies, comme des soeurs; Dieu qu’elles te manquait tes soeurs. Tu secouas la tête pour ne pas une fois encore te laisser avoir par tes souvenirs, passant la porte pour vérifier si quelqu’un était présent. Il semblait n’y avoir personne. Avec un léger sourire tendre; le sourire d’une mère, tu balayais la pièce des yeux en te disant qu’il n’y avait pas que des inconvénients à tout cela. Certes, ton coeur ne te plaisais pas et tu avais du mal à t’y faire, mais il y avait une franche amitié entre ses lieux, une entraide qui te mettait du baume au coeur. Tu entras dans la pièce, et trouva une autre résidente de l’association. Immédiatement, un sourire plus large se figea sur tes traits alors que tu t’avanças.

— Dame Murasaki ! Il est rare de vous voir ici à cette heure-ci !

Comme pour témoigner de ce bonheur que tu ressentais de ne pas te trouver seul, quelques étoiles se mirent à pétiller tout autour de toi. Voilà bien longtemps que tu n’y faisais plus attention et n’étais plus vraiment gêné de les y voir autour de ta tête; ça faisait parti de toi.