L’heure était venue. Des dizaines d’années maintenant que Devil et Élohim jouaient sans jamais vraiment se croiser, l’un dans la provocation pour le pouvoir, l’autre dans la retraite et la neutralité. Mais maintenant, il n’y avait plus vraiment lieu de cacher quoi que ce soit; ni soi-même, ni la vérité aux gens de cette ville. Insomnia avait bien trop souvent de leur affrontement; entre les maladies et les morts, les hurlements et les supplications; les possessions et les sérums. Désormais, cette partie touchait à sa fin. Qui allait en être vainqueur, c’était à l’avenir de le déterminer; seulement, y aurait-il un vainqueur ? Rien n’était moins sûr. Sentant une légère angoisse lui serrer la gorge, Élohim se présenta enfin devant la Mairie. Sur son toit, trônait Devil, tel un corbeau des Enfers admirant son propre travail. Et quel travail; les habitants de la ville étaient scindés, les uns tentant de sauver leurs vies sous l’assaut des autres. Ca n’était pas une situation qui pouvait dignement continuer. Armé d’un courage de se battre qu’il n’avait pas eu jusqu’ici, se contentant de défendre, Élohim était cette fois plus déterminé que jamais à mettre fin à ce spectacle. Á ce jeu qui, cette fois encore, avait trop duré.

Après avoir permis au maximum de personnes de fuir en écartant la brume; l’ancien Maire constata également que beaucoup n’avaient pas pu fuir. Beaucoup étaient là, morts sur le bord de la route; les yeux encore ouverts et la peur toujours inscrite sur leurs traits. Serrant les poings, Élohim s’avança vers la Mairie. Il leva les yeux, vit Devil sur le toit qui souriait comme un homme heureux. Comme une bête satisfaite. C’était là son oeuvre; ce qu’il avait prévu depuis des années. Ca avait commencé par le soulèvement des anciens Méchants des livres. Amenés par les belles paroles du Diable, ils s’étaient réunis tous autour de leur leader. Puis la maladie, la maladie partout qui avait amené à trop de morts. Ce sérum, invention terrible qui avait amené à cette guerre. Un scénario qui n’était que trop bien connu par l’ancien Maire; il en avait perdu ses pouvoirs mais maintenant, il avait conscience plus que jamais d’à quel point il devait tout mettre en jeu pour sauver la situation, pour sauver la ville et ses habitants. La partie d’échec touchait à son terme. Posant un pied devant la Mairie, la voix d’Élohim raisonna aussi fort que possible. La colère ne guidait pas ses mots; mais il fallait en terminer ici et maintenant.

— Cette folie a assez duré, Devil ! Cette fois, nous allons en terminer ici et maintenant ! Tu as causé bien assez de destruction ! Tu connais les conséquences mieux que quiconque et cette fois, je ne te laisserai pas faire. Je suis prêt à tout sacrifier et tu sais ce que cela signifie.

La détermination brillait dans les yeux d’Élohim. Quelque chose de différent de d’habitude, une assurance qu’il n’avait pas eu jusqu’ici. Parce que Devil connaissait les conséquences. Parce que cette fois, Élohim était prêt à se sacrifier pour sa cause. Déterminé, il se recula légèrement, laissant son ennemi de toujours venir sur le champ de bataille. Cette fois, l’affrontement allait avoir une fin et quelqu’un allait en sortir vainqueur. Il n’était plus temps de fuir.

Ah.

Voilà ce qu’il avait attendu pendant si longtemps, voilà ce à quoi le monde devait ressembler sous le règne de peur et de haine, sous le règne du Mal. La créature ferma les yeux quelques secondes, savourant les cris, l’agonie, savourant chaque once de terreur qui serpentait vers lui avec bonheur pour rejoindre son corps fait de fin du monde. Le désespoir, il n’y avait pas plus douce sensation que ça. Pas plus paisible sentiment que la certitude d’une mort approchante.  

Il entendait distraitement les appels à l’aide comme des échos venant de l’infini, il caressait avec tendresse les moindres brins d’espoir pour les écorcher avec véhémence, l’enfer n’avait pas besoin de cœur vaillant, seulement de peine et d’horreur. Il observa avec indolence les vagues d’ombre et de mort qui s’échappait de son corps, s’enroulant autour de chaque être vivant dans l’orgueil enivrant de mettre un terme à leurs existences. Elohim avait si bien caché son petit jouet de lui, pendant si longtemps. Il avait lutté pendant tant d’année pour le garder loin de ce monde, encore un. Un sourire mauvais déchira la forme parfaitement lisse et noire de son visage, dévoilant des crocs acérés parfaitement alignées. Oui... mais il avait fini par le débusquer, l’enrouler dans ses griffes et ne jamais plus le laisser partir. Elohim était un fou s’il pensait garder quoique ce soit de lui. Pourtant il senti sa présence à l’ouest une lumière forte faisant reculer le cœur tremblant de ses ténèbres. Elles craignaient sa présence, pas lui.  

Un soupir triste sur le bord de lèvre, le roi des enfers se tourna vers la lumière qui approchait traînant l’espoir dans son sillage, on dirait bien que le jeu était terminé. Pourtant cette fois, cette fois il avait gagné. Elohim avait été rejeté de son propre monde, rejeté par ses habitants et pour ses mensonges. Devil lui, n’avait jamais caché qu’il était mauvais. Ses pupilles rouges, las, se posèrent sur l’horizon alors qu’il sentait ses poupées de chaire sortir de son contrôle les unes après les autres, dommage, il aurait aimé qu’une au moins réussisse à tuer un de ses proches, un de ses amis. Cela aurait été le plus délicieux des sentiments. Il entendit un bruit étouffé à côté de lui et n’eut nul besoin de tourner les yeux pour distinguer la silhouette blessée de son bras droit et celle sublime de sa femme, Lucifer était en bien piètre état, penser qu’un simple humain ais put le rendre ainsi était risible, le si puissant et au-dessus de tout Lucifer s’était fait empaler par un misérable dont l’existence frisait le ridicule. C’était... déplorable. Son regard s’accrocha un instant sur le déchu puis d’un geste de la main il referma ses blessures ne lui accordant par la suite pas plus d’attention, après tout... son jouet préféré était arrivé.  

Dans une grâce lente et délicate il se laissa tomber du toit de la mairie, ses pieds se posant sur le sol sans un bruit alors que son manteau d’ombre le suivait s’enroulant autour de lui et de la scène avec allégresse. Il prit même la peine de faire descendre Lucifer et Lilith dans sa grande mansuétude. Un petit rire accueillit la déclaration d’Elohim, le diable se mit à marcher, tournant autour de l’ancien maire comme un prédateur autour d’une souris juteuse.  

-Terminer ? Mais nous ne terminerons jamais rien “Elohim” et tu le sais très bien. Nous n’avons rien à terminer parce que rien n’a jamais commencé. Il n’y a ni commencement ni fin entre nous mon doux ami, il n’y a qu’une chasse qui n’en finira jamais. Pour chaque fois que tu tenteras de me repousser ! De quel droit penses-tu pouvoirs me tenir hors de tes créations ? Nous ne pouvons pas vivre l’un sans l’autre ! Où il y a la lumière il devra se trouver une ombre, où tu es je serais. Tu n’as eu de cesse de me tenir à l’écart de ton petit monde de poupées, encore et toujours le même. Ne te lasses-tu donc pas de les faire revenir à la vie ? De recommencer depuis le début en espérant naïvement que je ne viendrais pas ? Nous avons toujours fonctionné en tandem Elohim, tu ne peux créer un monde sans équilibre, il faut la haine et la peine pour comprendre la joie et l’amour, tu devrais le savoir mieux que moi. Alors oui... je suis là, et je détruirais encore et toujours tout ce que tu as bâti, parce que c’est ainsi que je suis fait, c’est ainsi que nous sommes faits.  

Son regard moqueur se porta sur la ville un instant.  

-Te sacrifier ? Pour quoi ? Pour eux ? Seraient-ils reconnaissant de ton geste s’ils savaient ? S’ils savaient que toi et moi ne sommes qu’une seule et même personne. S’ils savaient que depuis le début tout n’est qu’un jeu du chat et de la souris, que tu as joué avec leurs existences depuis des siècles, des millénaires ? A faire revenir à la vie encore et encore ces pauvres gens dans l’ignorance la plus totale ? Je me demande parfois si tu n’es pas le plus cruel de nous deux “Elohim”. Oh... Le preux chevalier dans son armure blanche, venu sauver la veuve et l’orphelin. Mais tu oublies que tout est de ta faute depuis le début, que nous sommes unis par des liens qui existe depuis bien avant le temps. Comment peux-tu croire que je te laisserais faire cette fois ? J’ai gagné ! Le monde est détruit, les gens sont en train de mourir et les rares petits rescapés que tu as sauvés ne dureront pas bien longtemps. Mes goules sont là elles.  

Il plissa les yeux, évidemment si Elohim était sérieux, s’il décidait de se tuer... Devil viendrait à mourir avec lui, car reflet l’un de l’autre ils ne pouvaient être blessé sans que l’autre le soit aussi.  

-Mets donc un terme à nos vies “Elohim” ! Mais j’aurais gagné quand même, tu ne pourras plus les sauver ! Le chaos règnera si la création ne peut plus vivre ! Ahahahaha ! L’équilibre sera rompu et ce sera entièrement de ta faute, encore une fois. Allons, propose-moi quelque chose de plus intéressant, tu sais que j’adore négocier, ce ne sont que quelques vies, tu as tellement joué avec ça ne devrait plus te poser de soucis.  

Oh, il était là, le Corbeau des Enfers.

Fier et droit sur le toit de la Mairie, comme le vainqueur qu’il était. Parce qu’il avait raison, Devil avait toujours raison, au fond. Il avait gagné cette partie-là; comme Élohim en avait gagné plusieurs avant ça. La bataille prenait fin parce qu’elle s’arrêtait sur une défaite pour le porteur de lumière. Les habitants allaient mettre des années à se remettre des dégâts faits aux murs de cette ville, fait à leurs propres personnes. Certains allaient en souffrir pendant des décennies entières et c’était quelque chose pour laquelle Élohim se sentait terriblement coupable. Peut-être aurait-il dû confronter Devil bien avant ça. Peut-être aurait-il dû laisser ses pouvoirs s’envoler pour toujours au lieu de tenter désespérément de les retrouver. Mais au fond de lui, il savait que s’il laissait les choses faire, alors ce monde allait être consumé comme bien des fois auparavant. Il savait qu’il faudrait trouver un endroit de l’Univers pour reconstruire tout cela. Et c’était épuisant, à la longue, de voir ces humains recommencer encore et encore les mêmes vies, les mêmes discours, les mêmes erreurs et les mêmes guerres. Il s’approcha d’un pas, tournant en même temps que son ennemi tournait autour de lui-même.

— Je les ramenerai tous à la vie autant de fois qu’il le faudra pour qu’ils finissent par vivre dans un monde où tu n’existes pas !

C’était une belle Utopie, des mots auxquels lui-même ne croyait même pas. Parce que là où l’un allait, l’autre était. Si Élohim déplaçait la ville ailleurs, s’il recommençait tout à zéro, alors Devil -qui avait encore raison-, allait finir par le retrouver et cette mascarade ne prendrait fin. Elle ne finirait jamais tant que l’un des deux serait en vie. Parce que tant que l’un vivait, l’autre ne pouvait qu’être là. En un sens, ils étaient prisonniers l’un de l’autre, et peut-être que c’était ce qui les avaient conduit à la folie. Redevenir un n’était plus possible maintenant; mais il restait une solution. Pas appréciée par l’ancien Maire, mais ce dernier commençait à se demander si se sacrifier pour emporter Devil avec lui n’était pas la chose à faire. Il serra les poings, la voix grave et les sourcils froncés.

— Devil… tu dois cesser cette folie. Il faut que nous arrêtions tous les deux. Les gens de cette ville ont assez souffert et nous aussi. Combien de monde allons-nous encore détruire juste pour nous affronter ?

Ah, la supplication. Le dernier espoir des vaincus. Élohim ferma les paupières, soupirant. Oui, il était définitivement le grand perdant de cette partie. Les pièces de l'échiquier allaient se remettre en place, un jour ou l’autre, et peut-être que la prochaine partie allait avoir une issue différente. Mais pour le moment, il fallait tenter de sauver ce qu’il restait de la ville tant que c’était encore possible.

— Si nous laissions ce monde en paix, alors nous pourrions survivre tous les deux. Sinon, je n’aurais d’autre choix que de mettre fin à mes jours pour cesser les tiens. C’est ce que tu veux, mon vieil ami ? Que nous en finissions une bonne fois pour toute ?

Bien sûr que non, ça n’était pas le cas. Car, telle les deux facettes d’une pièce, ils se connaissaient tous les deux mieux que quiconque. Élohim ne voulait pas périr par égoïsme, pour pouvoir garder un oeil bienveillant sur ce monde qu’il avait créé. Devil voulait sûrement ne pas disparaître également; car s’ils avaient un trait commun, c’était celui de l’égoïsme. Au-delà des considérations humaines, au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer, de tout ce que les habitants pouvaient bien penser. Comprenaient-ils qu’ils se trouvaient là en présence d’une déité bien plus puissante que tout ce qui vivait dans la bulle qui protégeait Insomnia du reste de l’Univers ? Un Univers vide qui n’avait vu le jour que pour faire naître cette ville, que pour venir les protéger d’une autre destruction. Mais ils étaient attirés l’un par l’autre, ressentant tout ce que l’autre ressentait, vivant tout ce que l’autre vivait. Après tout, ils n’étaient qu’un. Et c’était la raison pour laquelle Élohim était prêt à tout arrêter, mettant son égoïsme si cher à son coeur de côté.

Dramatique, comme toujours. Ceci dit ils étaient la même personne devait-il considérer qu’il était aussi dramatique que lui ? Probablement. Un sourire passa sur ses lèvres alors qu’il s’arrêta de tourner, le regard rouge comme le sang, la lune reflétant la lumière crue de ses yeux avec complicité comme si le soleil ne devait jamais se lever.  Comme si la nuit serait maîtresse de l’éternité, mais il savait que ce moment ne durerait pas, Elohim fasse à lui, sa colère froide et paisible apparaissant et trahissant ses gestes. Il était temps de mettre fin à tout cela. L’ombre s’envola autour de lui, épousant la forme du ciel jusqu’à lui donner des ailes de brumes et de terreur avant qu’elle ne retombe lentement, voletant dans l’air du soir. Oui il fallait une fin, après tout, toutes ses créations, tous ses auteurs, avaient une chose en commun. Ils avaient un point final sur la dernière page de leurs vies. Son sourire s’agrandit imperceptiblement face à la demande de sa moitié, presque avec innocence la créature noire pencha la tête, fixant ses yeux sur l’autre.  

-Tu accepterais de partager ton petit monde de poupée avec moi ? Tu sais ce que ça signifie “Elo” il n’y aura jamais de paix, jamais de bonheur à perte de vue. L’équilibre serra restaurer mon vieil ami, nous serons à nouveau un dans les faits, nous aurons à nous opposer nos valeurs dans le cœur de tes petits jouets. Il y aura la guerre, la mort, le désespoir. Tu sais tout ça n’est-ce pas ? Oui tu le sais, et tu le propose en connaissance de cause. Tu sais que si tu m’offres ce monde c’est parce que tu n’as pas le choix, parce que tu as échoué et que ta petite solution de te tuer ne fera qu’amplifier ma victoire.  

Il s’approcha de l’homme à la chevelure blanche, ses pas frôlant un sol se soumettant à sa volonté, lentement ses doigts aux griffes tranchantes se levèrent pour venir s’enfoncer dans la peau dans sa joue dans une caresse cruelle, à peine eut-il fait son geste que les exacts même traces de griffures apparurent sur sa propre joue. Leur sang coula lentement, si tant est qu’ils en possèdent et lentement il étira son sourire plein de crocs.  

-Si la Création meurt, le chaos régnera. Si tu meurs, que je sois là ou non, il ne restera que chaos. Je doute que ce soit ce que tu désirs.  Tu es la création, je suis le chaos. Nous savons tous les deux ce que cela implique. Oh...  comme j'ai attendu que tu viennes supplier ma clémence "Elo"

Il pencha la tête, semblant réfléchir. Tout détruire ? Était-ce intéressant ? Non. S’il n’avait plus personne à torturer, plus personne à détruire, son existence n’avait plus aucun sens et il n’était pas assez idiot pour ne pas le savoir. Alors cette solution était probablement la meilleure, d’un geste il se recula, ses bras s’ouvrirent sur le monde et les ombres revinrent vers lui, disparaissant à mesure qu’elles se mêlait à son corps tandis qu’il reprenait son apparence “humaine”. Dans tout ce qui restait de la ville, les goules par centaine s’effondraient en poussière incolore les morceaux restant de la ville ne tenant qu’entre eux pas sa propre volonté, suspendue au-dessus d’un vide sans fond, il porta son attention sur son alter ego

-Très bien. Mais tu n’auras plus le droit de chasser mes ténèbres. Partager ce monde comme nous l’avons fait il y a si longtemps avec le tout premier. Comme nous l’avons fait avant que je le détruise, tu te souviens ? De la première terre des Hommes. Ahah... j’accepte de rétablir la balance “Elohim” mais seulement sous cette condition, notre statut sera égal en tout point et tu n’influenceras plus la mort que je déverse.  

Oui... après tout le soleil devait se lever. C’était ainsi.

Leur guerre durait depuis des temps immémoriaux. D’être désincarnés, ils étaient devenus ce que l’on pouvait apparenter à la déité; à ces Dieux qui n’étaient qu’un au début. Oh, Élohim pouvait presque s’en souvenir, de ces temps où il pouvait sentir le mal remuer en lui; où Devil voulait lui aussi explorer le vaste Univers qu’ils avaient créé. Rien que pour eux à la base, pour évoluer dans un monde qui pourrait leur correspondre. Puis ils avaient ramené à la vie des illustres auteurs, des créations et des créatures de légendes. Rien de mieux que des personnes illustres et complexes pour peupler un monde qui l’était tout autant. Mais l'appât du pouvoir avait été trop grand, leurs natures profondes les poussant à s’affronter toujours un peu plus. Depuis combien de temps tout cela recommençait ? Élohim n’arriva plus à s’en souvenir; cette bataille avait commencé à l’instant même où Devil s’était défait des chaînes de l’ancien Maire en devenant une personne à part entière. Ils restaient un; ressentant ce que l’autre ressentait, se blessant où l’autre se blessait et la balafre qu’arborait maintenant le Diable sur sa joue en était la preuve. Leur sang coulait où celui de l’autre était versé.

Un léger rictus se perdit sur le visage de l’homme à la crinière argentée; il secoua le visage en soupirant. Vraiment, son ennemi avait toujours été un excellent orateur. Capable de convaincre tant par les mots que par sa prestance.

— Tu as gagné. La victoire est tienne, Devil. Mais soit, tu as raison, pour sauver cette ville je dois t’accorder la victoire. Je ne me mêlerai plus de ta destruction mais de ton côté, tu ne dois plus interférer dans mes affaires, également. La mort de ces gens doit être naturelle, ou de la main de l’homme; pas de la tienne. Si tu tentes une action, alors je devrais me mettre en travers de ton chemin. Cette guerre recommencera encore et encore et Devil… une fois que nous aurons tout détruit, que restera-t-il de cet univers ? Nous devons arrêter pour survivre, toi et moi.

Eux deux. Comme avant, comme au tout début. Comme quand rien n’existait encore. Une légère expression de nostalgie filtra sur le visage de l’ancien Maire. Il savait. Il savait qu’il ne pourrait plus être à ce poste, qu’il ne pourrait plus diriger la ville. Il savait qu’avoir du pouvoir entre les mains signifiait également que Devil allait le vouloir et tout cela n’aurait servi à rien. La guerre était un cycle qui menaçait de recommencer sans jamais s’arrêter; sauf si la partie d’échec s’arrêtait. Élohim avait été mis en échec et mat, à vrai dire. Reconnaissant sa défaite, il leva les deux mains en signe de paix, puis en approcha une de son ennemi de toujours. Une poignée de main pour terminer une guerre; voilà qui leur ressemblait bien.

Le calme était enfin revenu, la ville s’était apaisée et le silence était retombé. Dans cette ambiance de suite de fin du monde, la ville recommença lentement à revenir en place, les bâtiments retrouvèrent leurs formes, les constructions s’élèveraient à nouveau mais rien ne pourrait guérir les blessures que les uns avaient infligés aux autres. Les larmes qui avaient coulées et les trahisons resteraient des blessures profondes que seul le temps saurait soigner. Ainsi, Devil et Elohim, avaient laissé derrière eux une ville en pleure, choquée d’avoir frôlé la mort de si près une nouvelle fois, inconscient d’avoir côtoyé pendant si longtemps l’origine de tout ce qui existe sous les traits de deux hommes que tout opposait. Quand les deux êtres décidèrent d’une trêve, d’un retour à l’équilibre, ils prirent la décision de laisser derrière eux quelques cadeaux, en signe de rédemption ou en demande de pardon, des objets, des lieux et des accessoires nés des désirs les plus profonds et que l’on ne pouvait assouvir de chaque personne ayant souffert leur querelle. Il appela tout le monde sur la Place Centrale, attendant que le calme se fasse.

- Avant de partir, Élohim et Devil m’ont laissé, en tant que bras droit des Maires, des cadeaux pour chacuns des habitants de cette ville. Commençons donc.

L’homme sortit une liste de sa poche, contenant ainsi la liste des différents cadeaux.

- Puss In Boots, vous voyez remettre vos attributs de chats. Ainsi, ils redeviennent comme lors de votre précédente vie. Attention cependant, vous n’en possédez qu’une seule à Insomnia ! Dame Méduse, votre souhait est exaucé. Désormais, en ville, les lois concernant le viol seront revus et beaucoup plus sévères qu’elles ne l’étaient auparavant. Oh, nous avons ici l’Archange Gabriel. En ces terres vous ne possédez plus vos ailes et il semblerait que vous voudriez les retrouver. Parfait, elles vous sont désormais attribués. Cependant, elles ne fonctionnent pas vraiment. Lucifer Morningstar, il en va de même pour vous. Vous possédez désormais des ailes; celles que vous possédiez avant, mais elles ne sont pas opérationnelles. Faites en bon usage ! Queen Of Hearts, votre souhait se voit également exaucé. Votre lieu de travail, l’Apothéose, se voit maintenant être le lien le plus connu et prisé de la ville entière. Des tracts ont été déposés dans les tous les magasins et épiceries d’Insomnia pour ainsi en faire une plus grosse promotion. Kraken ! Nos amis savaient à quel point vous souffriez de votre taille alors en guise de cadeau, vous avez maintenant dix centimètres de plus ajoutés à votre taille. En espérant ainsi que vous n’ayez plus de complexe ! Don Diego de La Vega, il était normal pour vous de souhaiter une meilleure justice pour les gens à la rue et c’est maintenant chose faite. Les personnes sans abris se verront maintenant totalement pris en charge par la ville pour ne pas qu’ils souffrent d’avantage. Un souhait bien noble qu’est le vôtre, sans doute ces personnes-là seront-elles reconnaissantes de votre geste. Monsieur Alexandre Hamilton ? Ah, il semblerait que vous ayez fait le voeu de pouvoir voir votre famille. Chez vous, a été livré un miroir qui vous permettra de les apercevoir quand bon vous semblera. Attention cependant, vous ne pouvez pas communiquer avec eux ! Il en va de même pour Marcellin de Marbot. Vous avez la chance de pouvoir revoir vos contemporaines de l’époque avec cependant une petite chose en plus. Un musée a été placé quelque part en ville, à la gloire des batailles Napoléoniennes. Vous y avez bien sûr un accès illimité ! Monsieur Sir Arthur Conan Doyle ? Oh... il est triste pour vous de ne plus pouvoir partir à l'aventure cependant ! Une bibliothèque a été créée en annexe de votre habitation, une pièce supplémentaire pleine de vieux manuscrits en tout genre et surtout uniques et rares ! Le Horla ? Ah oui, vous êtes là. Et bien pour vous, je vois que le voeu est purement physique. Aucun problème là-dessus, d’ici demain votre masse musculaire va se développer et faire de vous un homme beaucoup plus musclé qu’auparavant ! Arsène Lupin, maintenant. Votre souhait est exaucé et près de votre habitation, une annexe s’est vue créée. Un atelier comprenant tout le matériel nécessaire pour restaurer les oeuvres d’arts de votre choix. Faites en bon usage ! Oh Monsieur Sergueï Prokofiev, voilà un bien étrange mal qui vous ronge. Á partir de demain matin, vous n’aurez plus aucune perte de mémoire. Á vous la liberté des souvenirs ! Antoine de Saint-Exupéry. Comme demandé, dès demain matin, vous retrouverez votre jambe. Claude Debussy...ah, vous êtes là ! Votre désir étant de protéger ceux qui vous sont chers, et bien dans votre esprit a été téléchargé toutes les données relatives du kung-fu. Vous pouvez maintenant vous défendre dans n’importe quelle situation ! Monsieur Paul-Louis Courier ! Oui, vous ! Chez vous, se trouve maintenant une annexe dans laquelle ont été amenés de vieux manuscrits que vous n’avez pas encore traduits. Ainsi, vous pouvez maintenant retrouver une partie de votre ancien travail et recommencer à traduire ce que bon vous semble ! Rapunzel est-il ici ? Ah, vous voici. Désormais, vous bénéficiez d’une carte qui vous permet d’avoir moins trente pourcent dans tous les magasins, restaurants, épiceries de la ville. Et ce, pour l’éternité ! Don Juan… mh. Nos amis semblaient ne pas vraiment savoir quoi faire de votre voeu donc… oh. Il est écrit sur ma feuille qu’à été amené chez vous une caisse entière… de jouets pour adulte. Mh. c’est un peu gênant. Émile Zola; vous sembliez vouloir que les gens de cette ville oublient ces rumeurs à votre sujet. C’est maintenant chose faites, voguez en liberté dans les rues d’Insomnia sans avoir peur. Monsieur John Hamish Watson ? Bien, je vois ici que votre rapport médical indique que vous êtes stérile. Vous avez maintenant la possibilité d’enfanter quand vous le désirerez ! Je vois que votre voeu est le même que pour Guy de Maupassant.  Rassurez-vous messieurs, vous pouvez maintenant former une famille quand vous le voudrez Le Petit Prince… oh, je vois. Votre souhait est à votre tour exaucé et chez vous, se trouve un pendentif qui contient une véritable étoile. Vous qui vouliez plus que tout parler à un astre, vous voilà servi ! Le Chat Noir… oh je vois que votre cas est assez particulier. Pour améliorer vos conditions de vie, une annexe a été créé chez Puss In Boots vous permettant ainsi d’en faire votre lieu de travail sans vous préoccuper de votre malédiction. Mais également, vous disposez du sérum qui annule donc vos pouvoirs et votre malédiction. Ce sérum est illimité mais chaque prise est unique et ne dure qu’une journée ! Pour Monsieur Excalibur, c’est un voeu bien adorable. Vous pourrez, comme souhaité, vous asseoir sur le rebord d’un toit de la ville avec des bières, des barres chocolatées et des beignets à la viande de façon illimitée le temps que vous resterez sur ce toit ! Carrie… oh, je vois. Vous voulez connaître votre Créateur à ce point ? Bien bien ! Á partir de maintenant, où qu’il se trouve, vous aurez la possibilité de sentir sa présence n’importe quand en ville. Lorsqu’il arrivera entre les murs d’Insomnia, vous serez le premier au courant ! Perséphone, la femme d’Hadès ! Votre voeu est exaucé et vous voilà maintenant riche à millions ! Sur votre compte, a été rajouté quelques petits zéro à la somme totale; à la banque. Amusez-vous bien avec cela ! Monsieur Pinocchio ? Oh, je vois que vous avez souffert. Bien bien ! La mairie vous offre maintenant une allocation exceptionnelle vous permettant ainsi de nourrir et loger sans aucun problème tous les enfants que vous avez recueillis. L’immeuble détruit sera d’ailleurs remis sur pied dès demain matin ! Sköll ? Vous êtes ici ! Et bien, sachez que votre volonté est faites. Vous êtes désormais capable d’apprécier la viande comme n’importe quel être humain, sans en avoir un dégoût profond ! Bien sûr, la viande humaine vous semblera bien moins meilleure maintenant. Et enfin notre dernier voeu ! Monsieur Arthur Rimbaud ! Je vois je vois… votre souhait est donc ... d'avoir une peluche à l'effigie d'Élohim. Mh. Elle vous a été livré directement dans votre salon ! Voilà, habitants d’Insomnia, je me retire maintenant de mon rôle de second à la Mairie et vous laisse profiter de votre nouvelle existence.

Enfin. Comme toute chose prenait fin et leur règne avec eux, ils laissèrent la place du chef de la ville vacante, libre d’accès à qui désirerait désormais guider ce monde vers un chemin plus paisible... Ou non, ils assurèrent cependant qu’ils garderaient la ville debout, étant un être presque à part entière dépendante du pouvoir des deux hommes, il la maintiendrait en état sans jamais faillir à nouveau. Après la mort et la terreur il était donc temps pour la reconstruction et la première étape serait l’élection d’un nouveau dirigeant pour le peuple d’Insomnia.