Alluring Nightingale (ft. Le Renard)

Revelio Nox Lumos

[ Alluring Nightingale. ]

Un regard à sa gauche. Un regard à sa droite. Derrière lui... Il n'y a personne dans les parages n'est-ce pas ? C'est ce que se demandait nerveusement le Fantôme de l'Opéra, caché sous sa capuche et lançant des coup d’œil timides autour de lui. A cette heure-ci, il n'y a pas foule. L'artiste soupire d'un faible soulagement. Tant mieux, il peut donc profiter de cet endroit pour... s'entraîner, se donner un peu de courage. Ses gestes se font néanmoins hésitant, tout comme sa propre pensée qui l'a mené à se réfugier ici. Dans un coin du Centre-ville où même les boutiques peuvent facilement s'y faire oublier. Un lieu parfait pour le jeune homme. Ici, il sera le Fantôme de l'Opéra.

Mais dans un tel lieu, personne ne le saura. Et même si cela est su... Il ne sera qu'un souvenir bien vite oublié, comme ces alentours. Pourtant, Erik continue de jeter des regards dans tous les sens, la nervosité se faisant montante. Est-ce que c'est qu'on appelle avoir le trac ? Non... Ce n'était pas ça. Le jeune homme avait juste peur des changements qu'il souhaitait petit à petit faire dans sa vie ici. Il aimait cette vie d'anonymat. Cependant, il haïssait beaucoup d'autres éléments pour que cela suffise. Le Fantôme haït ce mal être qui le ronge à chaque fois qu'il a l'impression d'être démasqué, que les gens savent le monstre qu'il est. Il haït le fait de vivre ainsi, de travailler aussi dur. Cela lui rappelle... Ces longues années où il n'était encore que l'esclave, le gagne-pain de sa mère. Cela ne lui fait que remémorer la vérité sur sa précédente vie. Lui faire revivre ce souvenir qu'il n'a jamais été aimé.

. . . Puis, il eut Christine.

Et ce n'est qu'en pensant à son unique amour que son corps auparavant rigide se calme peu à peu, accompagné d'un timide sourire aux lèvres. Christine avait décidément le don de le rendre heureux. Christine est tout pour lui. Christine est... la principale raison pour laquelle il se force à être ici. La raison pour laquelle il tente de se mettre dans tous ses états, uniquement pour avoir le courage de lâcher quelques notes. Juste quelques notes seront suffisantes pour qu'elle le reconnaisse. Le Fantôme lui... N'avait absolument besoin de rien pour la retrouver. Ayant la certitude qu'il la reconnaîtra du premier regard, du premier souffle. Et c'est cet élan...

Que le Fantôme de l'Opéra osa enfin sortir des ombres et refaire surface sur le pavé du Centre-Ville. Faisant face aux boutiques, comme à un public. Et finalement, pour la toute première fois ici, avoir le courage de chanter. D'ignorer ses craintes, pour elle.

Il existe dans une vie des journées qui ressemblent à toutes les autres et d'autres un peu moins. Il y a dans tous les quotidiens du monde du banal mais aussi de l'extraordinaire, des moments qui s'inscrivent pour toujours dans les souvenirs parce qu'ils sont plus importants que beaucoup d'autres. Et puis surtout on peut trouver de l'extraordinaire au milieu du banal, juste là, si on fouille un peu, si on prend le temps d'observer, d'écouter ou de respirer, de vivre avec tous ses sens et tout son cœur, et Renard il est fort pour ça. Quand il vit il ne le fait pas avec ses yeux ou ses oreilles seulement non ! C'est avec tout ce qu'il a en lui, il est attentif au monde et aux autres, ouvert à toutes les nouveautés malgré sa profonde timidité, et c'est sûrement ce qui fait qu'il ne loupe pas les notes qui s'élèvent d'une jolie voix lui. La chanson vient à vrai dire à peine de commencer qu'il a déjà relevé la tête, curieux et intrigué, s'arrachant à ses dessins pour pleinement écouter.

La voix est agréable et ne vient pas de bien loin. Peut-être pourrait-il... sortir pour profiter ? Un peu mieux diront-nous. Une seconde il hésite car laisser sa boutique il déteste ça, mais il y a son vendeur aux sourires charmants et à la patience d'or et son propre travail ne s'envolera pas non ?

Renard se questionne et pèse le pour et le contre. Toutefois un tout petit temps après il a attrapé son cahier, sa gomme et son crayon, et il se dirige vers la porte sur un "je reviens" plein de douceur. Le jeune homme n'a pas besoin d'une raison, il hoche la tête et sourit encore et c'est ça que Renard apprécie chez lui, il se plaint jamais, il fait son travail correctement, il pose pas non plus de questions (pas plus que nécessaire du moins). Et ça c'est un avantage de plus, enfin de toute façon il en a plein d'avantages son petit employé mais il n'a pas le temps de s'attarder dessus car la bestiole déjà est dehors à traquer la voix.

Il le repère immédiatement Renardeau. Céruléennes braquées sur lui il s'avance, vient s'installer sur un banc pas très loin, juste là à côté en fait. Il n'y a pas grand monde dans la rue et ça fait du bien, la petite bête se concentre sur la voix avec tout son cœur et laisse le crayon tracer sur les pages blanches les traits de ce qu'il créera plus tard. Il aime bien ce qu'il entend, il se laisse porter, et quelques fois ses yeux se ferment, ses paupières lui accordent quelques secondes pour s'abandonner et quand il les soulève de nouveau il a une petite larme dedans. C'est que la musique, ah la musique, il aime tellement ça ! Il l'a découverte en arrivant à Insomnia et s'il y a une chose qu'il ne regrette pas c'est bien ça, la découverte des chansons, des notes qui grimpent et retombent et s'emballent, valsent ensemble.

La musique...

Il dessinait aussi dessus l'autre fois quand le Chaperon Rouge a débarqué chez lui. Sidney Bechet, Petite Fleur. Et ça lui a plu, bien sûr que ça lui a plu comme ça lui plaît d'entendre le garçon chanter dans la rue. Pourquoi il le fait d'ailleurs ? Pour de l'argent ? Oh. Le Petit Renard il pourrait bien lui laisser une pièce non ? Il fouille dans sa poche, il en tire un billet mais pas de monnaie, mais qu'est-ce que c'est dix euros pour le petit marchand qu'il est ? Il fixe le garçon et à pas lents il s'approche, son carnet sous le bras et la monnaie dans l'autre main, la tête légèrement penchée sur le côté. Ah petit bonhomme il attend, il attend que la chanson soit finie, que l'artiste se stoppe pour sourire, rougir, prononcer d'une voix douce quelques mots.

"Vous chantez vraiment très bien monsieur..."

Et de tendre le billet sans savoir s'il va l'accepter.