'Cause all your heads are gonna roll, I've made your misery my goal,
And if you want survival, kneel on my arrival.

Tu avais quitté la mairie peu avant dix-neuf heures, précipitant la fin de ta réunion hebdomadaire afin d'arriver à temps pour un rendez-vous d'un tout autre genre. Tu avais déjà annulé celui de la semaine précédente en te rendant compte que tu ne parviendrais pas à le caler dans ton planning suite au congé maladie de l'un de tes collègues, alors tu avais pris de nombreuses précautions pour que cette fois, ton entrevue avec l'Oiseau Bleu n'ait pas à souffrir de vos emplois du temps de ministre. Enfin, tu aurais très certainement pu l'apercevoir au Joy et en discuter pleinement avec lui si tu n'étais pas aussi régulièrement alcoolisé avant même d'en passer la porte. Dans le cas présent, tu avais supposé qu'il préférerait en avoir fini et être rentré dans son établissement avant l'heure de pointe au bar.

L'un des salons de l'hôtel abysse t'avait semblé être l'endroit parfait pour mener à bien vos discussions. Le fait que tu pouvais le rejoindre rapidement à pied limitait tes chances de retard, car toi-même admettait que faire affaire avec toi pouvait être complexe face à ton refus d'utiliser le moindre véhicule pourvu d'un moteur tout en te permettant de loger là si l'échange s'éternisait. Tes déplacements étaient limités à de la marche rapide, tandis que le café parisien venait tout juste d'éteindre les lumières dans sa salle à ton passage. Dommage, tu n'aurais pas dit non à un petit coup de fouet caféiné.

À peine entré dans le hall, tu fis signe à l'un des employés. Tu étais conscient de lui plaire et jouait là-dessus ainsi que sur ta longue fidélité à l'établissement pour obtenir quelques passe-droits innocents, comme la possibilité de couper la file ou de demander un service, dans la limite du raisonnable. Si parfois tu allongeais avec une promesse de pourboire, ton charme suffisait pleinement pour ce soir. Il fallait dire que le jeune homme était à ton goût, et qu'il aurait été du plus bel effet nu dans tes draps en soie.

«  Je cherche de la tranquillité. Je serais infiniment reconnaissant si vous pouviez me dénicher un coin calme, mais je le serais davantage si vous évitiez de placer d'autres personnes à proximité jusqu'à ce que mon invité ait terminé de me parler de ses tracas administratifs.  Quelle affreuse migraine je me traîne là.»

Pauvre chouchou dont la journée de travail s'était révélée supposément épuisante. Ce n'était pas véritablement le cas, mais le gamin semblait tout disposé à avaler des couleuvres... ou la tienne plus précisément. Il t'amena jusqu'à un espace à l'écart, mais qui donnait une excellente vue sur le bar. Tu n'allais donc pas avoir à te lever pour signaler à un serveur de prendre la moindre commande, un geste de la main suffirait.

« Il se pourrait qu'ensuite je sois susceptible de boire un verre en charmante compagnie... à quelle heure finissez-vous ? »

Après une réponse difficilement bégayée, tu expliquas à l'homme à quoi ressemblait la personne que tu attendais, ainsi que le nom sous lequel cette dernière était susceptible de se présenter. Il se retira ensuite, te laissant seul pour profiter de tes quelques minutes de répit. Il valait mieux prévoir et être bien en avance que l'inverse, d'autant plus que tu profitais ainsi de quelques notes de Chopin tout en portant à tes lèvres un vin de Bordeaux hors de prix. Si ta classe typiquement anglaise donnait l'impression que tu étais aussi détendu que fier, tu ne pouvais t'empêcher de te demander ce que l'Oiseau te voulait cette fois. Vous collaboriez de longue date, mais tu savais qu'il t'avait laissé dans l'ignorance concernant son nouveau projet. Comment le savais-tu ? Les rumeurs te parvenaient rapidement, et tu avais hâte de poser la question directement à l'intéressé afin de confirmer tes soupçons. En même temps, vu le poste que tu occupais et qui te rapprochait de la police et de leurs informations, tu couvrais aussi bien ce qu'il se passait officiellement qu'officieusement à Insomnia.

©junne.