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    Myrddin & Arthur Pendragon


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    "Quand vous êtes parti, je me suis dit : Je vais me promener ? Je vais me pas promener ? Finalement j'ai décidé de me beurrer la gueule."
    - Kaamelott, Merlin.


    Il était bien trop tôt pour se lever, surtout lors d’un jour de congé, mais pourtant Arthur était déjà debout, frais comme un gardon et prêt à attaquer cette belle journée. En effet, le Camelot fermait un jour par semaine pour laisser le temps aux employés de se reposer et d’avoir une vie sociale en dehors du travail. Cela laissait le temps au jeune Pendragon de faire du sport, de regarder un peu la télévision, de faire les comptes de son bar, de dormir un peu… Enfin, récupérer le sommeil perdu n’était pas gagné quand on était habitué à se lever tôt, alors même sans réveil le roi était incapable de profiter d’une grasse matinée. Puis larver dans son lit ou traînasser à la maison, ce n’était pas pour lui, il détestait cela même. Il n’aurait pas dit non à passer une ou deux heures de plus sous la couette, s’il n’était pas seul. Dire que dans son ancienne vie il aurait presque tué pour avoir un peu de calme, vu le boxon que ses chevaliers mettaient dans son château, aujourd’hui c’était tout l’inverse. Le roi se sentait mal dans son appartement vide et silencieux, il aurait aimé un peu de vie ou de bruit pour égayer ce lieu qui semblait mort.

    Voilà pourquoi le blond passait tout son temps à s’occuper de son bar, un lieu plein de joie de vivre, de rire et d’agitation. Tout cela lui manquait affreusement quand il était seul chez lui. Et c’est aussi pour cela que de si bon matin, alors que le soleil était encore bas dans le ciel, Arthur était prêt à sortir de son logement pour aller courir. Il avait juste pris le temps de se sustenter d’un petit déjeuner léger et d’enfiler sa tenue de sport et ses baskets avant de sortir, pas besoin de faire sa toilette maintenant alors qu’il savait qu’il aurait besoin d’une bonne douche plus tard en revenant de son footing matinal. C’est donc au pas de course qu’il commença sa balade, s’imaginant un circuit qui passait par la plage pour changer un peu de son chemin habituel. La vie n’était plus que routine, depuis qu’il avait hérité d’une seconde existence. La quête du Graal, les combats contre les dragons et autres créatures féeriques… Tout cela n’était plus d’actualité pour le roi de Bretagne, même si par habitude il inspectait et collectionnait toutes les coupes paraissant anciennes en se demandant si un jour il allait finir par tomber sur le Graal. On ne sait jamais, sur un malentendu ça pouvait peut-être marcher.

    Malgré le fait que le jeune Pendragon ne soit plus le roi de rien du tout aujourd’hui, il était quand même fortement rattaché à son ancienne vie, le nom de son bar le prouvait déjà bien assez. Puis Arthur avait secrètement l’espoir de retrouver un jour tous ses amis, ses chevaliers, sa famille, Merlin… Ils lui manquaient, tous. Bon, c’est vrai que certains lui manquaient plus que d’autres, il n’était par exemple pas pressé du tout de revoir son fils, Mordred, il ne sauterait pas de joie en revoyant Morgan aussi. Mais même le retour de Guenièvre lui ferait plaisir, alors que cette dernière l’avait pourtant trahi, juste pour ne plus être seul. Bien sûr, il y avait une personne que le blond avait vraiment hâte de retrouver, un confident, ami et protecteur dont la longue absence se faisait beaucoup ressentir. L’enchanteur n’avait pas été là lors du décès d’Arthur et ça faisait maintenant plus de huit ans qu’il n’était toujours pas présent dans la vie du roi. Le fils Pendragon était passé par beaucoup d’état à cause de la perte de son ami, la colère, la tristesse… Mais maintenant, il n’y avait plus qu’une question qui trottait dans son esprit, une interrogation qui resterait sans réponse tant que le druide ne serait pas revenu à ses côtés, « Pourquoi ? ». Pourquoi Merlin n’avait-il pas été présent pour sauver Arthur lors de son combat avec son fils ? Le roi ne pouvait que ruminer cette question et imaginer diverses théories et hypothèses tant que Myrddin n’avait pas refait son apparition dans ce nouveau monde.

    L’héritier Pendragon ne se rendit compte qu’il était arrivé à la plage que quand ses foulés furent ralenties par le sable. Il avait couru jusqu’ici en pilote automatique, ses jambes l’avaient guidé alors que son esprit était totalement ailleurs. Mais ces muscles commençaient à fatiguer, surtout qu’il y avait une grande différence entre courir sur une ligne droite bien goudronnée et courir sur une plage de sable fin. Alors qu’à chaque pas, ses pieds s’enfonçaient dans des milliards de petits grains, ralentissant sa course, le blond décida de totalement s’arrêter pour tremper ses petons dans l’eau salée. Il défit donc ses lacets pour retirer ses chaussures, les portant à la main pour ne pas les perdre et s’approchant des vagues d’eau fraîche. Mais les souliers de sport rencontrèrent vite à nouveau la terre ferme quand le roi de Bretagne les lâcha soudainement quand il remarqua quelque chose d’échouer sur le sable. Enfin, en y regardant de plus près, ce quelque chose était plutôt quelqu’un. Il n’en fallut pas plus pour que le courageux ancien chevalier se précipite au chevet de l’homme dont l’écume venait encore fréquemment éclabousser son visage. Arthur eut comme premier réflexe de venir tirer l’homme hors de l’eau avant de venir prendre son pouls pour vérifier qu’il était encore en vie, assez paniqué par la situation.

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    La forêt était un lieu paisible que nul ne se devait de provoquer, ni d’embêter. C’était un endroit sacré, un cocon d’intimité. Merlin l’Enchanteur, Myrddin de son vrai nom, s’y était retiré les dernières années de sa vie pour y séjourner en paix. Fini la quête du Graal, fini le fabuleux destin d’Arthur, Roi de Bretagne. Fini les chevaliers de la table ronde tous plus idiots les uns que les autres. L’enchanteur s’était retiré dans cette prison de verdure et d’oxygène, fatigué des trahisons et des complots. Morgane s’était enfuie avec son coeur et sa magie, un livre de sorts partagé avec amour qui n’était plus symbole aujourd’hui que d’une mort intérieure, lente et douloureuse. Privé de ses dons -dont il ne voulait plus se servir pour ne plus attiser une quelconque jalousie-, Merlin avait sentit l’homme dont il était le plus proche mourir, ressentant aussi fort que ce dernier la lame de son fils illégitime lui transpercer le torse. Une douleur violente qui avait laissé le magicien seul dans sa forêt, avec pour seul espoir que d’aspirer à un repos éternel.

    Lorsqu’il ferma les yeux, ce fut pour ne plus jamais les rouvrir.

    Enfin tout du moins, c’était ce qu’il pensait. Car lorsque ce fut le cas, il toussa à s’en arracher les poumons. L’air, soudainement, venait de prendre possession de lui. Il y avait la lumière, violente à ses pupilles, même si l’aube semblait s’être tout juste levée. Merlin se redressa, les mains sur le sable. Visiblement, une personne, un humain, se tenait prêt de lui. Dans un réflexe, le brun s’écarta avec violence. Á quatre patte sur le sable, il regarda tout autour de lui. Il y avait du sable. La mer. Une forêt un peu plus loin -mon Dieu il fallait qu’il y aille au plus vite, pour faire fonctionner sa magie, pour s’y perdre à tout jamais. Il fallait… Arthur ! L’éclair se fit soudain, à mesure que les souvenirs de son ancienne vie se mirent à le frapper. Une main sur la tête, un grognement au bout des lèvres, Myrddin ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il rampa de quelques pas, accrochant l’autre homme par les épaules.

    — Je dois retrouver Arthur ! Dites-moi où est Arthur ! Arthur Pendragon ! Je dois le retrouver !

    Merlin était paniqué. Dans ses yeux de jais, désormais, ne dansait plus qu’une flamme terrible d’angoisse. Il devait retrouver son seul et unique Toi. Parce qu’il était forcément ici, Arthur, ce n’était pas possible autrement. Parce que le Destin les avaient toujours réuni l’un et l’autre, et qu’une vie sans le fils Pendragon n’était pas imaginable. Alors Merlin ne remarqua rien. Il ne remarqua pas sa peau de jeune adolescent. Il ne remarqua pas la couleur noire de ses cheveux ni même sa vision soudainement devenue plus claire. Il ne remarqua pas le son de sa propre voix, si claire et jeune. Tout ce qu’il voulait, c’était que cet inconnu blondinet sans chaussure lui indique où trouver la seule personne qui comptait à ses yeux.
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    En entendant l’homme de la plage tousser à en cracher ses poumons et ouvrir les yeux, l’ancien roi de Bretagne fut énormément soulagé. Il se voyait déjà passer son jour de repos au poste de police à expliquer pourquoi il s’était retrouvé sur une plage en présence d’un cadavre si tôt le matin, il avait franchement autre chose à faire. Puis ça avait toujours été la vocation d’Arthur de venir en aide à son prochain, le jeune Pendragon était un souverain bon et juste, enfin il faisait tout pour l’être malgré quelques petits dérapages de temps à autres… Par contre, le blond ne s’attendait pas à voir l’inconnu s’écarter si vite de lui, totalement paniqué et déboussolé. En même temps, les débuts à Insomnia étaient compliqués pour tout le monde, il devait être dans le même état à son arrivée il y a quelques années dans cette ville étrange.

    Mais bon, c’était du passé maintenant, Arthur s’était fait à cette vie atrocement éloigné de sa précédente existence, le plus important maintenant était le jeune homme nouvellement revenu à la vie. Son regard bleu se posa quelques secondes sur le visage du naufragé, il était mignon avec ses cheveux bruns et ses yeux de jais, totalement le type d’homme qu’appréciait le roi, mais ce n’était pas vraiment le moment de draguer et séduire malgré la sensation bizarre qu’il ressentait quand leurs regards se croisèrent. Il avait l’impression dévorante de connaître le jeune homme face à lui, d’être proche de lui… Alors quelle ne fut pas sa surprise quand le brun lui demanda où été Arthur Pendragon, s’accrochant à ses épaules, une lueur paniquée brillant dans ses iris.

    - Doucement, doucement. Tu es en sécurité ici, tu viens d’arriver dans une ville appelée Insomnia. Tu n’as mal nulle part ? Comment t’appelles-tu ?

    En effet, au lieu de dire bêtement « Oui c’est moi », le jeune Pendragon eut d’abord la riche idée de demander qui était le mignon petit brun de la plage. On ne sait jamais, l’inconnu lui voulait peut-être du mal, cela pouvait être n’importe qui et Arthur n’avait pas que des amis dans son ancienne vie. Mordred, Morgane, Lancelot… Le blondinet savait qu’ils les auraient quand même aidés, malgré qu’ils ne soient vraiment pas en bon terme avec eux, mais il était incapable de laisser quelqu’un dans le besoin. Puis annoncé comme cela de but en blanc à un mec à moitié sonné et perturbé par sa réincarnation qu’on était l’homme qu’il cherchait, cela avait de quoi perturber. Alors il préférait ne pas choquer le nouveau venu tout suite, lui laissant un peu le temps de reprendre pied avec la réalité avant de lui annoncer, même s’il avait horriblement hâte de savoir lequel de ses anciens compagnons il avait retrouvé.

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    Totalement perdu, Merlin tenta de se redresser sur ses pieds dans un premier. Trempé de la tête aux pieds, tremblant d’être revenu dans un corps qui lui était inconnu mais qu’il n’avait pas encore eu le déplaisir de voir dans un miroir -pour peu qu’il sache réellement ce qu’était un miroir- il ne réussit qu’à glisser sur le sable mou et tout aussi humide que lui, retombant la tête la première sur le sol. Un couinement misérable retentit d’entre ses lèvres. Il tenta même, dans un mouvement désespéré, de dresser la paume de sa main tout contre ses vêtements, dans l’espoir vain d’en faire disparaître l’eau. Rien. Pas le moindre picotement au bout des doigts. Accès de panique. Il tenta de se raisonner intérieurement, de se dire qu’il venait de subir un choc après avoir été banni par une insupportable fée. Ce n’était rien, il fallait juste recommencer. Secouant sa main gauche cette fois, il la tendit vers les vagues, et se concentra. Fort. Très fort. Pendant quelques longues secondes. Mais rien. Absolument rien. L’eau n’avait pas cessé. Le temps ne s’était pas inversé. La pluie n’était pas venue. Aucun changement. Choqué d’une perte de magie qu’il pouvait maintenant ressentir -un vide manifeste en lui-, le jeune homme fixa ses mains comme si elles avaient été couvertes de sang. La panique s’insufla plus violente en lui alors que ses yeux se gonflèrent de larmes de frustration. Sa voix trembla lorsqu’il parla.

    — In… Insomnia ? Je ne connais pas cette ville ! Où sommes-nous ?! Pourquoi ma magie ne marche pas ?!

    Merlin regarda tout autour de lui comme s’il découvrait enfin la ville de ses propres yeux. De ses yeux qui ne voyaient pas les couleurs de la même façon qu’auparavant, lui sembla-t-il. En levant le nez, il remarqua que le ciel avait l’air plus rouge. Était-ce la fin de journée ? L’odeur de l’iode attira son attention sur l’eau, sur ses vêtements mouillés. Tout était bien trop différent. Cependant, la voix de cet homme blond face à lui le ramena sur terre. Pas assez pour faire cesser la panique, mais juste assez pour le calmer légèrement. Il fallait qu’il continue à parler, à communiquer. Il se redressa donc, arrivant cette fois à se mettre en position assise, les fesses dans l’eau à chaque fois qu’une vague s’écraser contre son dos. Mais il se sentait encore trop faible pour bouger. Après tout, il se souvenait être mort et maintenant il était en vie ? Quel étrange monde. Soupirant alors qu’il essuyait ses yeux embués de larmes, il se décida à répondre à l’autre homme, la voix tremblante d’émotion. Donner son nom, de là où il venait, était une magie interdite et puissante. Pourtant ici, sa propre magie ne fonctionnait pas, donc il ne risquait rien, n’est-ce pas ?

    — Je.. je m’appelle Myrddin. Myrddin, oui, c’est ça. Je cherche Arthur. Auriez-vous croisé Arthur ?
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    Le roi se rendait bien compte que le jeune en face de lui paniquait, qu'il était totalement déboussolé et perdu face à lui. Il aurait bien voulu aider le petit brun, lui permettre de comprendre le nouveau monde qui l'entourait, la nouvelle vie qui l'attendait… Mais il y avait le risque que l'inconnu rejette son aide et fuit face à la réalité de cette nouvelle existence. Bah oui, quand un homme que tu ne connais pas te dit que tu viens d'être réincarné dans une ville d'où on ne peut pas s'échapper et où tous les habitants sont des hommes, cela ressemble bien plus à un canular qu'à la réalité. Puis il fallait aussi ne pas oublier le fait que les nouveaux venus ont comme dernier souvenir de leur ancienne existence l'instant de leur mort, et ce n'est pas souvent très folichon et agréable un décès. Arthur posa donc sa main sur l'épaule du jeune homme aux yeux de jais, essayant par ce geste de le rassurer, de le calmer malgré les paroles assez traumatisantes qu'il allait révéler au brun.

    - Insomnia est une ville que je n'avais jamais vue sur les cartes avant de venir ici, c'est un lieu qui nous offre une deuxième existence après la fin de notre première vie… En se réincarnant ici, on perd nos corps, statuts et certains de nos pouvoirs mais on gagne la possibilité de vivre à nouveau, choisissant nous-mêmes la vie que l'on souhaite. Plus de prophéties, de destinées ou d'autres choses dans le genre…

    Le blond ne put qu’aider le jeune homme à se mettre en position assise, l’inconnu qu’il avait l’impression de connaître était encore trop faible pour faire autre chose comme marcher assez loin pour se mettre à l’abri des vagues. Le jeune Pendragon l’aurait bien porté hors de l’eau pour ne pas qu’il souffre trop du froid, mais il avait peur que la crevette brune en face de lui s’offusque de son geste. Le roi espérait donc juste que le petit nouveau n’attrape pas un rhume, tout en essayant de respecter sa zone de confort, il savait que tous les gens n’étaient pas aussi à l’aise que lui au niveau contact physique. Mais cette notion d’espace vital allait vite être bafoué quand l’inconnu allait révéler son nom. Myrddin… Arthur n’en croyait pas ses oreilles, c’était impossible. Le jeune homme en face de lui ne pouvait pas être son enchanteur, il devait rêver. Le cerveau du blond mit quelques secondes avant de véritablement intégrer l’information, mais dès que cela fut fait le roi se jeta dans les bras de son mage, l’étreignant avec force.

    - Oh mon Dieu ! Myrddin… Je… C’est bien toi ?

    Des milliers de questions fusaient dans la caboche du jeune Pendragon, tellement qu’il n’arrivait pas à toutes les saisir. Pourquoi Merlin n’avait-il pas été là lors de son ultime combat ? Pourquoi le mage n’avait-il pas été à ses côtés pendant que le dernier soupir de vie s’échappait d’entre ses lèvres ? Le roi attendait avec impatient le jour où il allait revoir l’enchanteur, l’instant où il allait pouvoir lui poser toutes les interrogations qu’il le rongeait depuis tant d’années… Et maintenant, son ami était enfin là, devant ses yeux. Il n’avait jamais imaginé ses retrouvailles avec l’ancien mage et ça ne lui serait non plus jamais venu à l’idée que Myrddin puisse avoir l’apparence d’un homme plus jeune et plus frêle que lui, et surtout sans barbe ! Cette première rencontre de leur nouvelle vie rendit l’héritier Pendragon fortement ému mais il était hors de question qu’un roi de Bretagne verse une larme, même une de joie et même pour quelque chose d’aussi important que le retour de Merlin.

    - Je… Cela va te sembler étrange et cocasse, mais je suis Arthur. Arthur Pendragon, ancien roi de Bretagne.

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    De tout ce que tu avais vécu durant ta longue et presque éternelle existence, tu n’aurais jamais pensé qu’un moment pareil se présenterait à toi. Tout cela te semblait bien trop irréel à mesure que les paroles de l’autre homme te parvenaient. Une ville où tout devenait possible, où la magie n’existait plus, où le Destin de chacun n’était tracé que par lui-même et non par des prophéties quelconques. Un monde où l’on pouvait être humain, un monde où l’on n’était plus ce qu’on avait été. Un retour à zéro. Ta tête t’en tournas l’espace d’un instant et tu lâchas un léger gémissement en laissant l’une de tes mains supporter ton corps; contre le sable. Ce n’était pas possible. Alors la forêt et Camelot étaient perdus ? Tu avais eu vent de la mort d’Arthur, oui, ce qui avait précipité ton exil au travers des arbres et de la verdure, mais tu n’aurais jamais pensé être propulsé ici, dans cette ville. Á Insomnia. Et à en juger parce que te disais ce blondinet, c’était quelque chose de commun ici, d’inné. Quelque chose que l’on expliquait aux nouveaux arrivants déboussolés, comme toi. Tu eus soudainement une bouffée d’espoir si violente que tes yeux se mirent à briller. Si tu avais été réincarné dans ce monde, alors peut-être était-ce possible pour Arthur ? Pour Galaad, pour Morgane -un frisson d’effroi le long de la colonne vertébrale- mais surtout, pour Arthur ? Pour ton Roi ? Tu t’apprêtas à supplier l’inconnu lorsqu’il prononça ton nom, semblant chamboulé. Vous connaissiez vous ? Visiblement oui, mais tu n’arrivais pas à savo- …

    Oh.

    Une étreinte. Ce corps n’était clairement pas fait pour les embrassades, remarquas-tu en tentant de maladroitement te dégager. Ce n’était pas agréable, ou pas autant que tu l’aurais cru. Était-ce le fait d’être humain, ou le rejet de cette simple condition qui te condamnait d’emblée à ne pas vouloir de ce genre d’effusions ? Tu ne comprenais pas ce qui poussait cet homme à soudainement se jeter sur toi, hormis peut-être la joi de te revoir. Mais tu ne le connaissais pas ! Étais-tu là depuis bien plus longtemps ? Avais-tu perdu tes souvenirs ? Tu secouas distraitement la tête. Non c’était autre chose. Les souvenirs de ta vie précédente étaient aussi frais qu’au premier jour, ça ne pouvait pas être ça. C’est alors que le blondinet révéla enfin qui il était. Arrêt sur image, tu te figeas de la tête aux pieds, relevant avec une lenteur affligeante ton regard noir sur celui bleuté de… de… d’Arthur. Tu t’écartas de l’étreinte, relevant une main pour venir la poser sur la joue de ton Roi. Juste pour prouver qu’il était bien là, que cet homme que tu touchais était ici. En vie. Une vague d’émotion te saisit droit au ventre.

    — Arthur… ?

    Il était en vie et tu l’avais retrouvé.
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    Le roi s’était laissé emporter par l’émotion quand le mage avait décliné son identité, mais il fallait le comprendre aussi, ce n’était pas toujours qu’on retrouvait un ami aussi proche que Myrddin l’avait été pour le jeune Pendragon. Il se rendit compte bien vite pourtant que les débordements d’affection n’étaient pas aux goûts du nouvel arrivant, alors il desserra son étreinte pour laisser plus de place et d’espace au frêle corps qu’il avait emprisonné entre ses bras. Arthur laissa à l’enchanteur le temps de bien comprendre ses paroles, ne le brusquant pas après lui avoir révélé son identité. Il savait très bien que ce devait être bizarre pour le magicien d’assimiler que l’homme en face de lui était son ancien roi, le blond avait mis beaucoup de temps à se faire et accepter sa nouvelle apparence. Après réflexion, le choc sera encore plus dur pour Merlin, la première fois qu’il croisera son reflet. Son nouveau corps jeune, imberbe et frêle ne ressemblait en rien aux souvenirs qu’Arthur avait de l’ancienne enveloppe corporelle du druide.

    - Oui, c’est moi Myrddin, je suis là.

    L'héritier Pendragon laissa l'autre homme égarer sa main sur sa joue, sans le repousser. Il savait l'émotion que cela faisait de retrouver quelqu'un de son ancienne vie, autant qu'il connaissait celle de se réveiller à Insomnia pour la première fois. Alors il laissait au brun le temps de comprendre, d'assimiler, le temps de se dire que tout cela était bien réel et non une vulgaire illusion ou un rêve douteux. Le blond ne pouvait pourtant pas s'empêcher de sourire à l'enchanteur, les émotions qu'il ressentait étaient bien trop fortes pour ne pas les laisser transparaitre. Myrddin pouvait facilement voir, s'il était quelque peu attentif, que les orbes bleus de son roi scintillaient de bonheur. Oui, Arthur était heureux de le retrouver, aussi heureux que le jour où il avait rencontré Excalibur pour la première fois dans cette ville. Pourtant, là où l'épée lui avait semblé forte malgré le flot d'émotion qui les avait dévastés, Merlin lui semblait totalement perdu, comme un jeune oisillon tombé du nid dont il devait s'occuper, qu'il devait protéger. Le roi savait que le contexte de ses deux rencontres n'était pas du tout le même, qu'il avait été aussi perdu lors de son arrivée en ville. Il s'était alors donné la mission de remettre sur pied lui-même le petit oisillon, de l'aider à reprendre son envole pour profiter pleinement de sa nouvelle vie. Un roi devait toujours protéger ses sujets.

    Une fois qu’il vit que le brun avait l’air un peu prêt remis de la découverte de son identité et de ses émotions, le roi s’écarta légèrement de l’autre homme pour retirer sa veste de jogging. Merlin était nu en face de lui, vu la situation d’urgence cela ne l’avait pas trop dérangé, puis il en avait vu d’autres des hommes sans vêtement. Mais maintenant que les présentations étaient faites, il ne pouvait pas laisser le mage se balader sans aucun habit, ni le laisser encore les fesses dans l’eau. Il fallait absolument qu’il ramène chez lui pour ne pas que le druide attrape froid, puis peut être que Merlin avait faim ou soif aussi.

    - Tu penses pouvoir marcher ou au moins tenir debout ? Je pense que tu as besoin d’un bain et d’un repas bien chaud… Et aussi d’habits propres au passage.
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    Myrddin, tu ne savais plus où tu en étais. Ton monde avait été mis sans dessus dessous, et voilà que tu te trouvais là, sur la brèche de tes propres sentiments, acculé d’émotions diverses que tu expérimentais somme tout pour la toute première fois. Tu étais censé être un magicien immortel. Tu étais censé être le plus grand, le plus puissant. Le plus fort d’entre tous, capable de manipuler les destins, capable de faire la pluie et le beau temps d’un clignement de paupière, capable d’échanger le jour ou la nuit selon les besoin des chevaliers d’Arthur. Mais ton Roi était là, et aujourd’hui, il n’allait plus pouvoir compter sur le moindre de tes pouvoirs. Parce que tu n’en avais plus, parce que cet endroit étrange en était dénué. Tu te sentais étrangement faible sans tout cela, réalisant alors que la magie était ce qui t’avais porté et gardé en vie toutes ces longues années. Maintenant, sans tout cela, comment allais-tu faire ? Tu n’avais nul part où aller, pas le moindre vêtements, et même si la présence du blond à tes côtés était rassurante, il n’allait sûrement pas tout arranger en un claquement de doigt. Parce que tu étais celui qui faisait ça, avant. Cette impuissance te serras soudainement les entrailles et ton visage se serras en un rictus douloureux. Ça te faisait mal au coeur de voir ce que le Destin t’avais réservé, ce que tu étais maintenant devenu. Un frêle moins que rien qui s’était échoué nu sur une plage, le visage dans l’eau et le sable. Tu écoutas la seule voix qui important pour le moment, hochant la tête.

    — Je vais essayer…

    Tremblant comme au premier jour, comme si tu n’avais été qu’un ridicule nouveau né incapable de se lever autrement que sur ses genoux, tu avais essayé. D’une main sur le sable avant tout, l’autre restant serré autour de la veste d’Arthur. Parce que c’était la sienne, qu’elle possédait son odeur. Un parfum bien différent de celui que tu avais toujours connu et qui te fis surtout comprendre une chose : s’il sentait autant le savon, c’était qu’ici, l’hygiène était un minerai qui valait de l’or. Á votre époque, ça n’avait pas franchement été la préoccupation première des chevaliers et une réunion à la Table Ronde pouvait très facilement tourner au cauchemar sanitaire. Tu essayas donc de te redresser, les genoux tremblant. La première tentative ne fut pas fructueuse. Immédiatement, tu retombas sur le sable en poussant un léger couinement qui te donnas immédiatement envie de hurler. Depuis quand ta propre voix sonnait-elle si stupide ? Les sourcils froncés en un effort qui normalement aurait du être banal, tu achevas néanmoins ta tâche et te tins sur tes deux jambes. Et tu vis enfin le monde. L’air qui balayait ton visage, les embruns roulant contre tes joues, et la chaleur du soleil contre ta peau nue. Un tremblement t’indiquas que tu avais effectivement froid -et tu en profitas pour bénir Arthur et sa veste.

    Alors voilà. Tu étais sur tes jambes, et la nuit était doucement en train de tomber sur la plage; sur le reste de cet endroit. Tu poussas un long soupir, incapable de vraiment dire ce qui te passait par l’esprit. Tout cela ne te donnait clairement pas envie de sourire. Tu lanças cependant un petit sourire faible à ton ami, comprenant que tu commençais à avoir faim, et que tu étais drôlement fatigué. Tout ceci était encore trop nouveau pour toi.

    — Allons-y.

    Tu le suivis donc sans un bruit, sans un mot, marchant tranquillement derrière Arthur. Ce monde était maintenant là, et tu allais devoir faire avec.
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