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La journée n’avait pas été des plus reposante. Lorsque, la veille, tu étais rentré d’une garde particulièrement éprouvante -une opération assez longue ainsi que quelques urgence vitales non négligeables-, tu étais immédiatement effondré sur ton lit sans prendre le temps de manger correctement. Tu souhaitais simplement être opérationnel pour la journée de travail du lendemain, ne t’obligeant qu’à nourrir le chat avant de rejoindre avec bonheur le monde des rêves. Le lendemain avait donc semblé une torture à tes yeux, tes yeux réclamant à corps et à cris une longue nuit de repos -que tu n’étais pas prêt de prendre si l’on en croyait l’invitation étrange reçue de la part de Dickens quelques heures plus tôt-, ton corps réclamait lui du café, plutôt. Oublié les origines Anglaises, le thé serait pour plus tard. Sauf que l’occasion se présenta bien plus vite que tu ne l’aurais cru. Aujourd’hui, il y avait donc eu un défilé de bras cassés et de rhumes sans importances que les patients s’étaient visiblement décidés à tourner en la pire des grippes. Combien de fois avais-tu dû expliquer que, non, un nez qui coule n’était pas signe d’une mort prochaine ? La résurrection avait cet inconvéniant là : beaucoup d’hommes étaient morts d’un virus quelconque avant de se réincarner ici, par manque d’hygiène et de médecine correcte, et étaient mort de peur à l’idée de passer l’arme à gauche une nouvelle fois. Un long soupir s’échappa d’entre tes lèvres lorsque l’avant dernier patient se dirigea vers la porte de sortie. Un dernier, et tu allais enfin pouvoir retrouver ton amant, et te reposer en sa compagnie. Et plus si affinité.En entrant donc dans la salle d’attente, quelle ne fut pas ta surprise de constater que nul autre que Lorenzo se trouvait là. Il devait être là depuis quelques minutes seulement, ou probablement étais-tu si fatigué que tu n’avais même pas remarqué qu’il se trouvait là depuis quelques heures. Inconsciemment, tu te rappellas de faire un peu plus attention à ta clientèle, et ce, dès le lendemain. Un sourire se figea sur ton visage et tu t’approchas confiant, tendant une main amicale vers celle du blondinet que tu serras dans la tienne, réprimant un petit rire à sa remarque.
— Beaucoup de monde aujourd’hui, effectivement. Mais rien à craindre mon ami, quelques bras cassés ne se répandent pas comme l’influenza, bien heureusement.
Rien de grave en soit, rien qui valait réellement le coup de s’inquiéter. Une main dans le dos, tu le dirigeas vers la porte du cabinet, prêt à t’occuper du dernier patient de la journée avant de pouvoir enfin, enfin, retirer ta blouse et enfiler des vêtements un peu plus décents. Tu pouvais prendre entendre le boxer jaune canard que l’on t’avait offert hurler au fin fond de tes placards.
— Suis-moi, je t’en prie.
La fin de journée se faisait sentir et l’on pouvait se demander dans ce cabinet qui du médecin ou du patient se trouvait être le plus éreinté. Tu te dirigeas vers le bureau derrière lequel tu t’assis sur l’immense chaise en cuir noir qui s’y trouvait, posant tes coudes sur la table en bois. Derrière, une table de consultation, ainsi que des aménagements classiques. Tu tendis à Lorenzo une bouteille de liquide désinfectant pour les mains, en versant une petite noix entre tes mains que tu frottas avec énergie.
— Alors Lorenzo, qu’est-ce qui t’amènes ? Encore des difficultés à dormir ?
Tu avais ce charisme naturel, John. Ce pétillement dans les paupières lorsqu’un sujet médical se posait sur la table, et tout était tout ouïe. Quelque soit le problème, que ce soit ou à l’hôpital, tu te sentais en capacité physique et mental de tout mettre en oeuvre pour le régler. Tu n’avais jamais fait honte à ta profession et la fatigue de la semaine déjà écoulée ne serait clairement pas une excuse à la pratiquer. Si l’on avait besoin de toi, alors tu étais l’homme de la situation. Un sourire qui se voulait engageant sur ton visage, tes mains croisés sur le bureau pour montrer qu’aucun geste imprudent n’allait être commis ici -si tu étais un ancien militaire et que cela transpirait dans ta carrure, tu te devais en tant que de médecin de ne montrer qu’une ouverture totale et complète à tes patients. Il ne manquait donc qu’une réponse de Lorenzo, à vrai dire, pour engager la conversation. Vous vous connaissiez bien, depuis le temps. Deux illustres inconnus réunis par un heureux hasard, autour d’un verre d’une boisson quelconque. Tous deux créations d’un créateur autant craint qu’admiré, partager vos angoisses et vos craintes à ce sujet-là vous avait grandement rapproché. C’était un homme qui était cher à ton coeur, tu pouvais bien te l’avouer, après tout. Une amitié solide que nul ne peut briser, ou en tout cas, c’était ce que tu espérais secrètement. il n’y avait pas beaucoup d’hommes en ville qui avaient le toupet immense de te tenir tête; le flegme Anglais dictait une conduite parfaite et à toutes épreuves alors que cette renaissance soudaine te murmurait de ne plus jamais laisser personne te marcher sur les pieds comme Conan Doyle aimait à le rappeler parfois au creux des lignes qui t’avaient vu naître.
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